Protection de la zone littorale au Bénin : Voici les grandes lignes à retenir de la loi N°2018-10 du 2 juillet 2018

Le Bénin, en tant que pays côtier, fait face à une pression croissante sur son littoral due à l’action humaine et naturelle. Au cours de ces dernières années, les activités humaines ont significativement dégradé cette zone. En réponse à cette situation préoccupante, le gouvernement béninois a initié un processus législatif visant à réguler et protéger le littoral.

Les journalistes en séance avec le Projet WACA RESIP Bénin

Les réflexions et actions entamées ont donné naissance à la loi N°2018-10 du 2 juillet 2018, portant protection, aménagement et mise en valeur de la zone littorale. Cette loi, composée de 110 articles répartis en six livres, vise à définir un cadre juridique pour la protection, l\’aménagement et la gestion de la zone littorale. Cette zone qui regroupe les communes riveraines de l’océan Atlantique jusqu’à 50 km sur le continent, couvre une vingtaine de communes des département du Couffo, du Mono, l’Atlantique et du Littoral, de l’Ouémé et du Plateau.

Vue d\’ensemble des participants

Pour garantir l\’efficacité de cette loi, plusieurs décrets d\’application ont été adoptés le 5 juillet 2023. Ces décrets couvrent divers aspects, tels que les techniques de pêches et d’aquaculture, les conditions d’autorisations et normes de rejet, la mise en conformité des documents d’urbanisme avec la loi. Il s’agit aussi de la creation de la cellule nationale de protection et de gestion du littoral, l’interdiction d’enlèvement, de capture et de detention des espèces animals protégés, la gestion et la valorisation des déchets.

Cependant, adopter une loi ne suffit pas. Sa mise en œuvre et sa vulgarisation sont tout aussi importantes. C\’est pourquoi le Programme de gestion du littoral ouest africain (WACA) Résip Bénin a réuni les professionnels des médias le mercredi 03 avril 2024 au siège du projet pour les présenter les enjeux de la loi et ses décrets d\’application.

Coodonnateur Hamidou Séko et la Juriste Pulchérie Donoumassou

Si le 4e pouvoir a été invité à cette rencontre, c’est au regard du rôle essentiel qu’il joue dans la diffusion d’informations et dans la sensibilisation du public. Pour Pulchérie Donoumassou, Juriste environnementaliste, Cheffe du service de la surveillance environnementale au ministère du cadre de vie, les médias constituent un maillon de la chaîne pour la vulgarisation de la loi. Des propos soutenus par le Coordonnateur Hamidou Séko, qui ne doute point qu’à la suite de la rencontre des messages justes, précis et clairs seront partagés avec les populations locales.

Présentation de Dr Abdou Salami Amadou

Le cadre juridique en matière de protection de la zone littorale est désormais solide selon Dr Abdou Salami Amadou, spécialiste en eaux et forêts du projet WACA Résip Bénin. Les populations sont invitées à prendre connaissance de cette loi et ses différents décrets d’application.

Encore faut-il rappeler que le projet WACA Resip prévoit des initiatives de sensibilisation des acteurs locaux et des citoyens afin de garantir que personne ne soit ignorant de cette législation.

Megan Valère SOSSOU




Pisciculture : La vie reprend près du lac Toho au Bénin

En mai 2018, le Lac Toho, au Sud-Ouest du Bénin, a connu la mort de milliers de poissons. Aujourd’hui, les riverains construisent l’avenir autour de la pisciculture, avec l’appui du Projet d’investissement pour la résilience des zones côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP). Retour sur cette transformation à Kpinou, dans la commune de Athiémé.

Ferme Wizard sur la berge du Lac Toho. En face, une succession d’étangs où les poissons se font discrets. « Nous les avons nourris il n’y a que peu de temps, donc ce n’est pas le moment de les pêcher », confie Armel Coffi Gbékan, l’un des responsables de ce site de cinq hectares situé sur les berges du lac Toho, à Kpinnou, commune d’Athiémé, à 100 km de Cotonou. Au loin, un milan à bec jaune surgit, survole les étangs et reste dissuadé par des filets qui couvrent les étangs. L’oiseau se retourne avec un cri de désespoir. Ces oiseaux semblent y être fréquents pour trouver de la nourriture, surtout que le plan d’eau semble de moins en moins généreux depuis le drame de mai 2018. « Des poissons, nous n\’en avons plus sur le lac », lâche-t-il tristement.

Cette nuit-là de mai 2018, les riverains avaient découvert des milliers de poissons sans vie, flottant à la surface du lac. D’aucuns soupçonnent le déversement d’une substance nocive dans le lac en amont des parcs de production piscicole. Mais la source de cette intoxication, le produit en question, ainsi que les circonstances restent inconnus jusqu’à présent. Alors, à la ferme Vizar, on s’est tourné vers des étangs pour se déconnecter du plan d’eau, tout en continuant à produire des poissons et à les fournir aux mareyeuses.

Avec le soutien du Projet d\’investissement pour la résilience des zones côtières en Afrique de l\’Ouest (Waca ResIP), ils sont passés de quatre étangs à une dizaine. La productivité s’est également intensifiée. « Pour le premier cycle, nous avons produit 12 tonnes. Nous sommes dans le second cycle et nous avoisinons déjà 24 tonnes. Les gens apprécient la qualité. Nous n’avons plus de craintes parce que nous ne sommes pas proches du lac, donc même s\’il pleut il n’y a pas d\’infiltration. Nous avons beaucoup de commandes venant des hôtels, en plus des mareyeuses », souligne Armel Coffi Gbékan.

Repousser le danger loin

Le promoteur est appuyé par Waca ResIP en ce qui concerne la mise en place et l’ensemencement des étangs, le nourrissage des alevins et l’acquisition des autres équipements de pêche. Mais il a fallu s’assurer de certains préalables pour repousser loin toute nuisance et sécuriser l’investissement. « Les étangs qui sont mis en place sont contrôlés de jour comme de nuit. Les étangs qui ont été creusés ont fait l\’objet d\’études concernant la qualité de l’eau, et la surveillance est renforcée. Ce qui nous permet d’avoir une pollution saine », dévoile Abdou Salami Amadou, responsable des activités, sous financement du Fonds pour l\’Environnement Mondial à Projet Waca ResIP-Bénin.

Le promoteur dispose d’un autre site ailleurs, dans la commune de Ouidah, où Waca Resip-Bénin a financé des cages flottantes installées au niveau des anciennes carrières de sable. « Quand on fait l’extraction des carrières de sables, il y a des excavations qui sont laissées et qui deviennent des pièges pour l\’homme et le bétail. Tout promoteur qui est en mesure de valoriser ces sites a besoin d’être appuyé. Ils sécurisent ainsi le site, les gens ne tomberont plus dans ces excavations grâce à la surveillance, ensuite, il y a la production de poissons », explique Abdou Salami Amadou.

Au Bénin, la pêche est principalement artisanale et représente plus de 75% de la production nationale. La production totale en 2022 était de 74 000 tonnes pour un besoin de 220 000 tonnes, soit une couverture de 34%. Pour combler ce déficit, il faudra accentuer la production piscicole qui était de 2528 tonnes en 2022.  Pour les producteurs, cette intervention de Waca Résip Bénin est la bienvenue et suscite un engouement. « Notre ambition, c’est d’augmenter le nombre d’étangs. Nous formons et sensibilisons d’autres riverains. Une trentaine de personnes nous ont emboîté le pas », témoigne Armel Coffi Gbékan.

Ainsi, en plus de s’attaquer à l\’érosion côtière et aux inondations affectant le littoral ouest africain, Waca Résip œuvre également pour protéger les communautés, leurs moyens de subsistance, leurs investissements et les aires communautaires de conservation de la biodiversité, comme celle du Lac Toho, auxquelles elles sont intimement liées.

Fulbert ADJIMEHOSSOU




Protection côtière : À Hillacondji, l\’océan bat en retraite

Finalisés il y a quelques mois, les travaux de protection de la côte à Grand Popo, à la frontière avec le Togo, montrent des résultats probants. Les ouvrages stabilisent la côte et protègent les populations longtemps tourmentées par une érosion côtière sévère.

C’est la fin des travaux de protection côtière à l’ouest du Bénin. Depuis lors, les riverains, désormais éloignés de l\’océan par des enrochements et des moteurs de sable, ne se préoccupent plus du bruit des vagues. « Nous avons enfin les ouvrages tant espérés et nous sommes soulagés », confie Abbeyvi Matey, un dignitaire religieux résidant près du segment transfrontalier Bénin-Togo.

Pourtant, il y a quelques années, cette zone était réputée comme étant une série de plages fortement érodées, sujettes à des épisodes de submersion marine et aux risques d\’inondation. « Il y a trente ans, quand j\’étais jeune, la mer était à 4 km. Puis, avec l\’érosion, des maisons ont été progressivement englouties\ », se remémore Abbeyvi Matey.

En 2012, la réhabilitation des épis d\’Anèho au Togo a entraîné le blocage du sédiment en transit vers le Bénin. Cette situation a exacerbé l’érosion sur 23 km entre Hillacondji et Grand-Popo, menaçant de priver le Bénin de plus de 325 miles (soit 12027 km²) de ses eaux territoriales. Cependant, la collaboration entre les deux pays dans le cadre du Projet d\’Investissement pour la Résilience des Zones Côtières en Afrique de l\’Ouest (Waca ResIP), a mis fin à cette menace.

Des plages reconstituées

Aujourd\’hui, entre Louis-Condji et Agoué, l\’océan s\’est retiré de 200 mètres par rapport à sa position en novembre 2022. Les cocotiers sur la plage marquent désormais jusqu\’où les vagues avait grignoté le littoral. Mieux, les risques d\’inondations liées à la submersion marine sont du passé.

« Nous avons remblayé la côte à 4,6 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Cette hauteur a été choisie pour lutter contre l\’érosion côtière et la submersion marine. Cette année, malgré la submersion marine, nous n\’avons pas connu d\’inondations, ce qui prouve que l\’ouvrage a rempli son rôle », souligne Dr Moussa Bio Djara, spécialiste du littoral du projet Waca.

Concrètement, les travaux ont consisté en la construction de 8 épis, le comblement du bras mort lagunaire avec 100 000 m3 de sédiments, le rechargement des casiers situés entre deux épis, ainsi que le rechargement massif avec 6 400 000 m3 de sable.

Une reconstitution sur 3 km

L\’ensemble des ouvrages s\’étend sur une distance de 8,3 km de façade maritime aménagée. « Le bras mort qui prend sa source au Togo posait des problèmes de sécurité et de santé publique, en raison du risque de noyade et du fait qu\’il favorisait le développement de gîtes larvaires. Il posait également un problème de pollution qui a maintenant été résolu car il était devenu un dépotoir », explique-t-il.

Le suivi effectué depuis la fin des travaux révèle un gain de plage sur 3 km derrière l\’hôtel Millenium Popo Beach. De plus, au dernier casier formé par les épis 7 et 8, une saturation a été observée. « Le casier est arrivé à saturation. Cela démontre le succès de l\’ouvrage en matière d\’engraissement », ajoute Dr Moussa Bio Djara.

Après la stabilisation de la côte, des aménagements récréotouristiques sont prévus. Une piste cyclable a été aménagée entre Louis Condji et Agoué, suivie de la plantation de cocotiers sélectionnés et traités pour le verdissement de la zone. Il ne reste plus qu\’à installer des opérateurs pour que la zone reprenne vie.

Fulbert ADJIMEHOSSOU




Conservation de la biodiversité : Waca Bénin compte sur les femmes  

Du Lac Toho à la mare aux crocodiles de Tannou, dans les départements du Mono et du Couffo, au sud-ouest du Bénin, les femmes deviennent progressivement les gardiennes de la biodiversité. Les Coopératives financées par le Projet d’Investissement pour la Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP) transforment des vies, tant celles des membres de la faune que de la flore.

Une coopérative de femmes

Alors que le soleil se retire derrière les buissons de Kpoba, commune de Djakotomey, à 140 km au nord-ouest de Cotonou, Houefa Bodrenou, ne se presse pas pour autant pour dévoiler la magie qui s’opère dans la coopérative Gbénondjou dont elle est la secrétaire générale. « Ne vous inquiétez pas. Même s\’il fait tard, nous disposons d\’un panneau solaire qui illumine nos vies et nous permet de poursuivre nos activités\ », confie-t-elle. Cette source d\’énergie renouvelable, tout comme de nombreux autres équipements, a été acquise grâce au financement du Projet d’Investissement pour la Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (Waca ResIP).

Ce qui améliore significativement, depuis 2022, la productivité de ces femmes spécialisées dans la transformation du manioc en Gari et dérivés. « Waca nous a dotées de magasins et de salles de transformation, de tricycles, de bassines, d\’un château d\’eau, de machines à rappeuses et de ressasseuses. Cela nous a permis de passer d\’une production de deux sacs de 315 kg par semaine à dix sacs. Nos vies ont changé. Nous pouvons désormais éduquer nos enfants et soutenir nos maris dans la gestion du foyer\ », se réjouit Houefa Bodrenou.

En choisissant de soutenir ces femmes de Kpoba, le projet connu sous son acronyme anglais Waca (West Africa Coastal Areas Program) vise à réduire les pressions sur les ressources naturelles. « Beaucoup pensent que nous sommes concentrés principalement sur la lutte contre l\’érosion côtière. Cependant, il y a le Fonds pour l’Environnement Mondial, qui ne finance pas les infrastructures grises, mais qui appuie la préservation de la biodiversité et la lutte contre la pauvreté », explique Abdou Salami Amadou, responsable des activités, sous financement du Fonds pour l\’Environnement Mondial à Projet Waca ResIP-Bénin.

Aider les femmes, signifie protéger « l’hippopotame »

A Kpoba, l’appui cible principalement l\’Aire Communautaire de Conservation de la Biodiversité d\’Adjamé qui fait partie de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta du Mono, reconnue par l\’UNESCO en 2017. Le site situé dans l\’arrondissement de Kpoba sur la rive Est du Fleuve Mono, abrite diverses espèces de faune, dont l\’hippopotame, le sitatunga (Tragelaphus spekei) en danger dans la région, et le singe à ventre rouge (Cercopithecus erythrogaster erythrogaster) endémique au Dahomey Gap.

« Nous disposons ici d\’une aire communautaire de proximité, la marre d\’Adjamé, où l\’espèce emblématique protégée est l\’hippopotame. Si nous permettons aux communautés de continuer la chasse, d\’ici quelques années, l\’hippopotame pourrait disparaître de cette partie du sud-ouest de notre pays. C\’est pourquoi nous avons décidé d\’accompagner cette communauté tout en nous fixant pour objectif d\’impacter encore davantage les femmes pour des retombées indirectes\ », précise Abdou Salami Amadou.

Dans les départements du Mono et du Couffo, au sud-ouest du Bénin, de nombreuses coopératives ont été soutenues, couvrant les aires communautaires de conservation de la biodiversité d’Adjamé (Djakotomey), du Lac Toho (Lokossa, Athiémé et Houéyogbé), de Naglanou (Athiémé) et de la Bouche du Roy (Grand-Popo). Cette bataille concerne également les trois nouvelles aires créées, à savoir le Chenal Gbaga (Grand-Popo), Avlékété-Djègbadji (Ouidah) et la Mare aux Crocodiles de Tannou (Aplahoué).

Des amazones de la biodiversité

À travers ces coopératives, les femmes sont donc mises en avant, comme un rempart contre la dégradation des ressources naturelles. « Pour défendre un espace, il faut permettre aux communautés d’avoir des activités alternatives génératrices de revenu revenus. Nous avons alors soutenu plus de 250 microprojets, bénéficiant à plus de 3500 personnes, dont 75% sont des femmes. Dans le Couffo, malgré l\’avancée de l\’agriculture, ce sont les femmes qui accomplissent le travail. Grâce à ces activités génératrices de revenus, elles gagnent plus qu\’en travaillant aux champs », souligne l\’expert.

Ces microprojets apportent également des avantages en termes de réduction de la pauvreté, d\’autonomisation des femmes, ainsi qu\’une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. À Agamè, dans la commune de Lokossa, près du Lac Toho, l\’énergie déployée par les membres de la coopérative des transformateurs de produits agricoles en est une preuve tangible. Cette coopérative bien organisée, composée de 730 membres, s\’emploie à valoriser les noix de palme produites par l\’Union des Coopératives d\’Aménagement Rural (UCAR).

Rien ne se perd ici, tout se transforme. De la matière première à la transformation, cette coopérative couvre toute la chaîne, avec des retombées significatives, pour l’autonomisation des femmes. « Nous disposons désormais de grandes machines qui nous aident à produire suffisamment d\’huile. Nous avons même un stock selon la période que nous vendrons au meilleur prix. Aujourd’hui, avec l’amélioration des conditions de production, nous avons un peu plus de moyens pour nourrir nos enfants », renseigne Philomène Adangnonnan, secrétaire générale de la coopérative des transformateurs des produits agricoles de Agamè. Cette résilience, ces femmes entendent la renforcer, même après la fin du projet en Décembre 2024.

Fulbert ADJIMEHOSSOU