Lois sur la santé sexuelle et la planification familiale en Afrique de l’Ouest et du Centre: Des experts plaident pour une mise en application effective

Le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (REMAPSEN) a tenu un webinaire le mercredi 22 mai 2024, portant sur l’adoption et l’application des lois concernant la santé sexuelle et la planification familiale en Afrique de l’Ouest et du Centre. Trois experts en santé sexuelle et reproductive ont conduit cette discussion en ligne, réunissant une centaine de journalistes venus de tout le continent.

Malgré l’adoption de lois sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, leur application reste insuffisante. C’est cette réalité préoccupante qui a poussé REMAPSEN à organiser ce webinaire sous le thème : « L’adoption et l’application des lois sur la santé sexuelle/la planification familiale en Afrique de l’Ouest et du Centre, où en sommes-nous ? ». Les échanges ont été modérés par Boureima Sanga et Bamba Youssouf, membres éminents du conseil d’administration du réseau.

Dr Chilanga Asmani, conseiller régional en politique de planification familiale au bureau régional de l’UNFPA, a ouvert les débats en soulignant l’importance de la santé sexuelle comme état de bien-être physique, mental et social. Il a rappelé que divers éléments tels que l’éducation à la santé sexuelle et reproductive, l’accès aux méthodes contraceptives, les soins prénataux et les services d’avortement sécurisé, sont essentiels pour atteindre ce bien-être. Selon lui, 44 pays africains ont souscrit au protocole de Maputo, mais beaucoup n’ont pas encore de lois spécifiques ou de décrets d’application pour renforcer ces engagements.

Des progrès mais encore des défis

Dr Djénébou Diallo, de l’Unité de coordination du Partenariat de Ouagadougou, a fait état des efforts pour accroître l\’utilisation de la planification familiale, avec un objectif ambitieux de passer de 6,5 millions à 13 millions d’utilisatrices d’ici 2030. Cependant, elle a souligné que sur les neuf pays du partenariat, seuls huit disposent de lois sur la SSR et que l’absence de décrets d’application complique leur mise en œuvre. En Mauritanie, par exemple, malgré l’existence de ces lois, leur vulgarisation reste un défi majeur.

La Côte d’Ivoire à la traîne

Pr Tia Mélanie, présidente de l’ONG Women in Global Health en Côte d’Ivoire, a mis en lumière les difficultés rencontrées dans son pays, le seul du Partenariat de Ouagadougou à ne pas encore posséder de loi SSR. Les obstacles incluent des points sensibles tels que l’avortement sécurisé et l’âge minimum pour accéder à la planification familiale. Les statistiques alarmantes, comme un taux de mortalité maternelle de 347 pour 100 000 naissances et 33 % de mariages précoces, plaident en faveur d’une adoption rapide de cette loi. Pr Mélanie a réitéré l’engagement de son ONG à mener des campagnes d’information et des plaidoyers auprès des leaders communautaires pour accélérer ce processus.

Megan Valère SOSSOU




Les filles déscolarisées au Bénin : en quête d\’éducation à la santé sexuelle et reproductive

Bien que le gouvernement, les acteurs de la société civile et les différents partenaires soient engagés pour le droit à la santé sexuelle et reproductive des adolescents, des jeunes et même des enfants, les déscolarisés restent dans l’oubliette. Or, le Bénin, en ratifiant la convention relative aux Droits de l’Enfant, s’était engagé à faire de la réalisation des droits des enfants un défi majeur pour son développement. Des années plus tard, le contexte est moins reluisant. Les filles déscolarisées sont régulièrement exposées à des rapports sexuels précoces, des violences sexuelles, le manque d’hygiène menstruelle, des grossesses non désirées et des avortements clandestins, sans la moindre information. Face à une telle situation, l’éducation à la santé sexuelle et reproductive s’avère nécessaire.

Marché central de Bohicon

Dimanche 21 novembre 2021, il sonnait 13 heures et quart à Bohicon, la ville carrefour du Bénin. C’est le jour du marché Gboyicon. Pendant que des enfants, en majorité des filles de bas âge font des navettes à vendre à la sauvette sous l’ardent soleil, d’autres préfèrent prendre une pause.

Micheline T., la quinzaine d’âges, est visiblement souffrante d’une nouvelle apparition de ses menstrues. À côté sa marchandise d’akassa, la main droite dans le ventre, cette fille déscolarisée, débarquée de Djakotomey dit s’être habituée des douleurs au bas-ventre accompagnés des maux de ventre depuis qu’elle a commencé à trouver ses menstrues.

En l’en croire, tout a commencé le jour où elle a accepté les avances d’un transporteur de bagages au marché Gboyicon. En effet, Micheline T., qui croyait pouvoir subvenir à ses besoins, s’est retrouvée, abusée sexuellement à plusieurs reprises. « Alors que je continuais à vendre dans l’après-midi d’un jour du marché en décembre 2020, il m’a obligé à coucher avec lui dans un magasin avant de me donner de l’argent pour le déjeuner. C\’est devenu une habitude» confie-t-elle. À son âge, elle ne perçoit pas encore le gros risque qu’elle coure en jouant avec sa santé sexuelle. Elle, qui avait déjà frôlé une grossesse en mai 2021 grâce à des médicaments traditionnels, avoue s’inquiéter énormément de sa santé sexuelle et reproductive.

Cette inquiétude est également partagée par Augustine K., orpheline de père et déscolarisée au Cours Moyen 1er. Elle, qui a été mise illégalement en apprentissage de la tresse, fut aussitôt victime d’un abus sexuel qui lui a déclenché ses premières menstrues. Aujourd’hui, elle ne sait absolument rien des soins à prendre pour l’hygiène de ses menstrues.

Elle raconte, « Une de mes amies m’avait donné au début, deux petits pagnes pour en faire des serviettes hygiéniques, mais à présent tout est déchiré. J’ai donc pris l’habitude d’utiliser les papiers du sac de ciment et du sachet plastique », avant d’identifier au même cas la situation de ses collègues.

Une réalité qui explique les résultats du Rapport SITAN réalisé par l’UNICEF en 2017 et qui admet que 64,5 % des enfants en particulier des filles sont privés de leurs droits à la santé. Le rapport pointe du doigt les départements de l’Alibori et du Zou où les enfants filles connaissent leur premier rapport sexuel avant leur majorité.

Nombreuses, sont-elles, comme Micheline et Augustine, dont l’âge varie entre 7 ans et 16 ans, qui, pour un manque d’éducation à la santé sexuelle et reproductive gèrent par ignorance et parfois dangereusement leur santé sexuelle aux yeux et au su des adultes.

Cependant, ces filles déscolarisées déjà dans une sexualité précocement active face à ce besoin en éducation à la santé sexuelle, n’ont plus le choix entre bien entretenir leurs menstrues, éviter les infections sexuelles et les grossesses non désirées. Elles appellent au secours des acteurs du domaine.

Ayants déjà échappées à l’éducation formelle, ces filles déscolarisées que nous avons rencontrées ne disposent d’aucune information concrète en matière de santé sexuelle et reproductive. Pire, elles sont hébétées d’apprendre que celle-ci fasse partie de leur droit.

Nécessité d’une éducation à la santé sexuelle et reproductive pour anticiper sur le mal

Si les différents acteurs du domaine mettaient en valeur l’article 23 de la Convention Internationale Relative aux Droits de l’Enfant qui énonce « l’enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé possible », le droit à l’éducation à la santé sexuelle et reproductive ne serait pas tant recherché comme de l’aiguille dans du sable surtout pour des filles déscolarisées.

Pourtant, des programmes et projets de développement sont exécutés chaque année pour permettre l’accès sans exception, de toutes les filles à une éducation relative à une meilleure santé sexuelle et reproductive. Ce qui implique principalement l’éducation à l’hygiène des menstrues, l’éducation aux différentes méthodes de contraception, l’hygiène corporelle et les stratégies pour contrer les violences sexuelles. Ce droit, qui ne devrait pas être seulement l’apanage des enfants scolarisés, doit également prend en compte les enfants déscolarisés.

Pour l’Infirmière Diplômée d’État, responsable du dispensaire du centre de santé de Bohicon 1, Amélie AHOLOU, il urge de sauver les filles déscolarisées de la sexualité clandestine et de créer un cadre idéal à leur éducation à la sexualité. Car les infections sexuelles constituent à elles seules de puissantes vectrices de graves maladies susceptibles d’hypothéquer la santé de la fille a-t-elle poursuivi.

Pour y remédier, il convient de renforcer les stratégies et programmes de lutte contre l’exclusion et l’abandon scolaire. Aussi, de multiplier les alternatives éducatives facilitant l’intégration et la réintégration dans le système éducatif formel des enfants actuellement hors école.

Mais avant, les filles déscolarisées et abandonnées à leur sort, continuent de subir les affres de ce manque d’éducation à la santé sexuelle et reproductive en attendant que les acteurs du domaine ne répondent favorablement à leur cri de cœur.

Constance AGOSSA




Médecins du Monde Suisse au Bénin pour le respect des droits en Santé sexuelle et reproductive des adolescentes et jeunes

Un atelier visant à élaborer un plan de formation du personnel des institutions de santé intégrant les besoins en Santé Sexuelle et Reproductive (SSR) des adolescents et des jeunes s\’est tenu les mardi 30 et mercredi 31 mai 2023 à la salle de conférence Pharmacie 7 de la faculté des sciences de la santé de Cotonou.

Cet atelier a particulièrement pris en compte les besoins des adolescents et des jeunes en situation de vulnérabilité et de marginalisation. Le plan de formation ainsi élaboré servira principalement à renforcer les compétences du personnel de santé dans les zones sanitaires ciblées par le projet RESPECT.

Des représentants des autorités sanitaires des zones sanitaires de Cotonou 6 dans le Littoral, d\’Abomey Agbangnizoun-Djidja dans le Zou et de Parakou N\’dali dans le département du Borgou ont participé à l\’atelier et ont validé les résultats issus de la collecte des données sur les besoins en formation en SSR du personnel de santé. Grâce aux données recueillies lors de la collecte, aux travaux de groupe et aux sessions plénières, chaque zone sanitaire a pu établir son propre plan de formation avec un budget défini.

Il convient de souligner que cet atelier s\’inscrit dans le cadre du programme RESPECT des Santé et Droits Sexuels et Reproductifs (SDSR), mis en œuvre par Médecins du Monde Suisse au Bénin, avec le soutien technique et financier d\’Affaires mondiales Canada.

Megan Valère SOSSOU