Escroquerie en ligne via Mobile Money au Bénin : quand la confiance des usagers est mise à l’épreuve

Un matin d’octobre 2021, dame Rosine, une commerçante à Bohicon, reçoit un appel téléphonique. L’homme au bout du fil se présente comme un agent d’un réseau de téléphonie au Bénin. Il lui explique qu’une mise à jour technique est nécessaire pour éviter le blocage de son compte Mobile Money. Inquiète, Rosine suit les instructions : elle compose un code sur son téléphone jusqu’à entrer son code secret, comme indiqué. Quelques minutes plus tard, elle découvre, horrifiée, que son compte est vidé. Ses économies de 180 600 francs CFA, destinées à renouveler son stock, ont disparu.

Alphonse D. à son poste Mobile Money (1)
Alphonse D. à son poste Mobile Money

« Je n’y croyais pas. Tout cet argent, parti en un clin d’œil. Ils m’ont tout pris. », confie Rosine, encore sous le choc. Elle n’est pas seule. Alphonse D. est un investisseur dans les Mobile Money disposant de plusieurs points de transactions dans la ville de Bohicon. Il a été victime d’un cas d’escroquerie dans lequel, il a perdu 500 000 francs CFA. N’eussent été ses démarches à l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC), l’actuel Centre National d’Investigation Numérique (CNIN), il n’aurait pas pu récupérer son argent.

Nombreux sont ces Béninois usagers de Mobile Money ayant vécu des expériences similaires ces dernières années, victimes d’un fléau qui se répand au rythme de l’essor du Mobile Money.

Ce système de paiement instantané via le téléphone est devenu le principal levier économique en Afrique de l’Ouest selon le Groupe Special Mobile Association (GSMA). Au Bénin, le développement des services de Mobile Money, à l’instar de MTN MoMo, Moov Money et Celtiis Money, a facilité les transactions financières pour des milliers d’utilisateurs.

Selon les données de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes (ARCEP), le nombre de comptes de mobile money au Bénin a été multiplié par plus de 4 entre 2018 et 2023. L’utilisation de ces comptes a aussi fortement augmenté, avec dix fois plus de transactions enregistrées en 2023 par rapport à 2018. En d’autres termes, on est passé d’environ 200 millions de transactions en 2018 à plus de 2 milliards en 2023. De plus, l’accès aux services de mobile money s’est largement répandu avec près de 9 personnes sur 10 en 2023, contre seulement 2 sur 10 en 2018.

Cependant, cette forte adoption s’accompagne d’une recrudescence des fraudes et escroqueries. La Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) a enregistré en six ans, 1956 affaires de cybercriminalité, soit près d’une (01) procédure sur trois (03) environ 31 % sur un total de 6358 affaires traitées selon les indications de Mario Elon’m Mètonou, procureur spécial de la CRIET, le 09 octobre 2024 à Cotonou au cours de la rentrée judiciaire 2024 – 2025. Autant ce système de paiement instantané rapproche le vendeur de l’acheteur, autant il rapproche les escrocs de leurs victimes.

Comment opèrent les fraudeurs ?

Approché, le Centre Nationale d’Investigation Numérique (CNIN) explique : « Sachant que les arnaques par Mobile Money nécessitent que la victime entre son code pour valider une transaction, les escroqueries de ce type reposent essentiellement sur de l’ingénierie sociale, autrement dit un ensemble de techniques de manipulation utilisé par les cybercriminels pour convaincre leurs victimes. » Dans ce cas particulier, poursuit le CNIN, « Ils usent de baiting, encore appelé hameçonnage, pour convaincre une victime de donner accès à ses informations personnelles, ou se font passer pour des fournisseurs de services et des autorités pour convaincre leur victime d’effectuer une transaction. » Leurs méthodes ciblent des utilisateurs souvent peu informés sur les mesures de sécurité.

Dame Sidonie, la quarantaine d’âge,  est une vendeuse de bouillie à Adjagbo. En juin 2024, elle avait reçu un message d’un supposé dépôt de 15.000 francs CFA sur son compte Mobile money. Quelques minutes après, elle reçoit des appels successif d’une femme qui l’a suppliée de lui renvoyer les sous, soit disant qu’elle lui a envoyé de l’argent par erreur. Elle n’a pas hésité à renvoyer les 15.000 francs avant de remarquer que c’était un faux message.

Les actions pour contrer le fléau

Face à l’ampleur de la menace, les acteurs du secteur multiplient les initiatives pour freiner ces escroqueries. MTN Bénin, Moov Africa et Celtiis, principaux opérateurs de téléphonie mobile ont lancé des campagnes d’information pour éduquer les utilisateurs sur les bonnes pratiques. Des messages rappelant de ne jamais partager leur code secret et d’ignorer les appels suspects sont régulièrement diffusés.

De même, l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) et le CNIN mènent depuis 2022 de nombreuses campagnes institutionnelles. L’une des plus anciennes reste la campagne Paré Bénin.

Par ailleurs, en termes de mesures mises en place contre ces cas d’escroqueries, le CNIN cite son étroite collaboration au plan national avec les entreprises, mais également la coopération régionale avec des pays voisins et le partenariat avec Interpol qui permet de traquer les escrocs même lorsqu’ils sortent des frontières béninoises.

Pour le CNIN, il est important que les béninois fassent attention à ne pas communiquer leurs données personnelles à des cybercriminels lorsqu’ils prétendent être une autorité. Il faut également éviter de transférer de l’argent à quelqu’un sans être absolument sûr de son identité. Il invite les personnes déjà victimes d’escroquerie à le contacter au plaintes@cnin.bj.

Le système de paiement instantané via téléphone « Mobile Money », demeure un outil essentiel pour l’inclusion financière au Bénin. Cependant, sa réussite dépendra de la capacité des opérateurs, des autorités et des utilisateurs à collaborer pour garantir sa sécurité contre les escroqueries.

Megan Valère SOSSOU