De l’Afrique de l’Ouest au sud-ouest de l’océan Indien : l’action régionale du GRID-Arendal contre la pêche INN prend de l’ampleur

Dans sa lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), Madagascar a organisé une formation intensive à la surveillance aérienne qui a présenté les technologies de pointe des drones aux autorités des pêches, aux agences gouvernementales et de surveillance, ainsi qu’aux acteurs locaux. Cet atelier, organisé par le gouvernement malgache et le WWF-Madagascar en partenariat avec GRID-Arendal et Distant Imagery, s’inscrit dans le cadre d’un programme plus vaste d’économie bleue durable du sud-ouest de l’océan Indien (SWIO-SBE), financé par l’Agence norvégienne de coopération pour le développement (NORAD).

Une personne tenant un appareil avec écran.  Description générée automatiquement.
Un groupe de personnes debout sur une plage  Description générée automatiquement

Vol de démonstration à Madagascar

Un drone dans une boîte posée sur un bloc de béton  Description générée automatiquement

Démonstration de drones à ailes Delta à Madagascar

Capture d'écran d'un jeu vidéo  Description générée automatiquement

Vol de nuit à Madagascar

Pendant trois jours, des participants du Centre de Surveillance des Pêches (CSP), du Ministère des Pêches et de l’Économie Bleue, du WWF et de l’Observatoire Indépendant des Pêches (FITSINJO) ont bénéficié d’une formation pratique sur l’assemblage et la construction locale de drones, l’intégration des opérations aériennes aux systèmes existants de Suivi, Contrôle et Surveillance (SCS) des pêches, et les techniques de surveillance en temps réel. Des démonstrations en direct au-dessus de la baie de Diego ont démontré la puissance des outils aériens pour détecter et dissuader les activités illégales.

Cette formation marque une avancée significative pour Madagascar. En intégrant la surveillance aérienne à notre stratégie nationale de pêche, nous comblons des lacunes techniques critiques en matière de capacités en adoptant des innovations qui nous aideront à protéger nos océans et à soutenir les communautés qui en dépendent.

 Rijasoa Fanazava, directeur exécutif, Centre de surveillance des pêches (CSP), ministère de la Pêche et de l’Économie bleue

Une approche holistique de la gouvernance des pêches

Si la formation aux drones constitue une avancée notable, le GRID-Arendal souligne que les outils technologiques ne constituent pas à eux seuls une solution miracle. Une réponse véritablement efficace à la pêche INN doit être globale : elle doit intégrer l’innovation aux réformes juridiques et institutionnelles, à la collaboration interinstitutionnelle, à l’harmonisation régionale et au développement des capacités à long terme.

Un groupe d'hommes assis autour d'une table  Description générée automatiquement

Intégration de la technologie des drones dans le système MCS des pêches en Guinée

« L’utilisation des technologies de télédétection en combinaison avec les technologies des drones fournit un outil complémentaire puissant aux États côtiers pour mieux protéger leurs ressources marines, améliorer la transparence et améliorer la gouvernance marine globale »,

— Romain Langeard, expert en gouvernance des pêches du GRID-Arendal

Cette philosophie sous-tend le travail de GRID-Arendal au-delà de Madagascar. En Guinée, par exemple, le projet « Renforcer la gouvernance des pêches » lancé en 2021 va au-delà de la surveillance en renforçant les cadres juridiques nationaux, en révisant les mandats institutionnels, en soutenant la mise en œuvre des traités internationaux comme l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (PSMA) et en améliorant les voies de poursuite et de sanction des infractions liées à la pêche. Dès 2015, aux Seychelles, l’initiative « FishGuard » utilise les données satellitaires et les systèmes VMS non seulement pour l’application de la loi, mais aussi pour améliorer la coordination entre les agences maritimes, les autorités portuaires et les organismes de surveillance environnementale.

Un groupe de personnes sur un bateau  Description générée automatiquement

Déploiement de drones depuis un bateau en Guinée

Plus récemment, en Guinée-Bissau, dans le cadre du projet Bijagos Bleus, en partenariat avec le Partenariat régional pour la conservation marine (PRCM), un travail complémentaire de développement des capacités bleues a été mené par GRID-Arendal, renforçant ainsi la solidité institutionnelle locale. Ce projet soutient les organismes de première ligne, les organisations de la société civile et les communautés côtières en leur fournissant les compétences, les outils et les systèmes de gouvernance nécessaires pour gérer efficacement leurs espaces marins et soutenir les moyens de subsistance locaux sur le long terme.

Soutenir la collaboration interinstitutions régionale

L’initiative de Madagascar renforce également l’importance de la coopération interinstitutionnelle, pierre angulaire d’une gestion efficace des pêches. Le GRID-Arendal œuvre aux niveaux national et régional pour améliorer la coordination entre les autorités des pêches, la police maritime, la marine, les douanes, les autorités portuaires et les organismes régionaux de pêche. Ces liens sont essentiels pour exploiter le renseignement, partager les données et garantir une application cohérente et équitable des règles.

Ce projet pilote est plus qu’une simple mise à niveau technologique : il représente un changement radical dans notre façon de gérer nos ressources marines. Les drones offrent une surveillance rapide et économique qui peut combler d’importantes lacunes en matière de contrôle, notamment dans les zones côtières reculées où la pêche artisanale est la plus active et la plus vulnérable.

— Umair Shahid, responsable des pêches du WWF pour la région SWIO.

Le projet pilote de surveillance aérienne s’inscrit dans une vision régionale plus large de systèmes SCS accessibles et peu coûteux, adaptables et maîtrisables localement. Les enseignements tirés seront intégrés à des notes d’orientation destinées à la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI), à la Commission des pêches du sud-ouest de l’océan Indien (SWIOFC) et au Centre de coordination SCS de la SADC à Maputo. Pour ce faire, GRID-Arendal et le WWF développeront conjointement des outils de communication visuelle, des infographies et des boîtes à outils visant à sensibiliser et à développer une compréhension pratique des meilleures pratiques en matière de surveillance et de contrôle.

Un modèle évolutif à travers les régions

Le portefeuille plus large de GRID-Arendal reflète ce modèle intégré et adapté au contexte. En Guinée-Bissau, l’initiative Blue Bigajos soutient la cogestion des principales pêcheries dans les aires marines protégées tout en pilotant des structures communautaires de SCS. Le programme travaille en étroite collaboration avec les autorités nationales pour mettre en place des systèmes de données et renforcer les réseaux locaux de surveillance, le tout ancré dans les principes d’équité, de durabilité et de conservation de la biodiversité marine.

Vers une gouvernance maritime modernisée et résiliente

Ce pilote de drone à Madagascar pose les bases d’un système de contrôle des pêches plus intelligent et plus réactif. Il constitue également une étape importante dans un processus plus vaste : une évolution vers une architecture régionale de gouvernance marine modernisée et résiliente, capable de répondre aux menaces actuelles et de se préparer aux défis futurs.

Grâce à ses interventions ciblées, ses partenariats régionaux et son engagement à bâtir des institutions durables, GRID-Arendal contribue à façonner un avenir dans lequel les États côtiers peuvent affirmer leur contrôle sur leurs ressources maritimes, lutter contre la criminalité environnementale et offrir des avantages durables aux millions de personnes qui dépendent de l’océan.




Escroquerie en ligne via Mobile Money au Bénin : quand la confiance des usagers est mise à l’épreuve

Un matin d’octobre 2021, dame Rosine, une commerçante à Bohicon, reçoit un appel téléphonique. L’homme au bout du fil se présente comme un agent d’un réseau de téléphonie au Bénin. Il lui explique qu’une mise à jour technique est nécessaire pour éviter le blocage de son compte Mobile Money. Inquiète, Rosine suit les instructions : elle compose un code sur son téléphone jusqu’à entrer son code secret, comme indiqué. Quelques minutes plus tard, elle découvre, horrifiée, que son compte est vidé. Ses économies de 180 600 francs CFA, destinées à renouveler son stock, ont disparu.

Alphonse D. à son poste Mobile Money (1)
Alphonse D. à son poste Mobile Money

« Je n’y croyais pas. Tout cet argent, parti en un clin d’œil. Ils m’ont tout pris. », confie Rosine, encore sous le choc. Elle n’est pas seule. Alphonse D. est un investisseur dans les Mobile Money disposant de plusieurs points de transactions dans la ville de Bohicon. Il a été victime d’un cas d’escroquerie dans lequel, il a perdu 500 000 francs CFA. N’eussent été ses démarches à l’Office Central de Répression de la Cybercriminalité (OCRC), l’actuel Centre National d’Investigation Numérique (CNIN), il n’aurait pas pu récupérer son argent.

Nombreux sont ces Béninois usagers de Mobile Money ayant vécu des expériences similaires ces dernières années, victimes d’un fléau qui se répand au rythme de l’essor du Mobile Money.

Ce système de paiement instantané via le téléphone est devenu le principal levier économique en Afrique de l’Ouest selon le Groupe Special Mobile Association (GSMA). Au Bénin, le développement des services de Mobile Money, à l’instar de MTN MoMo, Moov Money et Celtiis Money, a facilité les transactions financières pour des milliers d’utilisateurs.

Selon les données de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes (ARCEP), le nombre de comptes de mobile money au Bénin a été multiplié par plus de 4 entre 2018 et 2023. L’utilisation de ces comptes a aussi fortement augmenté, avec dix fois plus de transactions enregistrées en 2023 par rapport à 2018. En d’autres termes, on est passé d’environ 200 millions de transactions en 2018 à plus de 2 milliards en 2023. De plus, l’accès aux services de mobile money s’est largement répandu avec près de 9 personnes sur 10 en 2023, contre seulement 2 sur 10 en 2018.

Cependant, cette forte adoption s’accompagne d’une recrudescence des fraudes et escroqueries. La Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) a enregistré en six ans, 1956 affaires de cybercriminalité, soit près d’une (01) procédure sur trois (03) environ 31 % sur un total de 6358 affaires traitées selon les indications de Mario Elon’m Mètonou, procureur spécial de la CRIET, le 09 octobre 2024 à Cotonou au cours de la rentrée judiciaire 2024 – 2025. Autant ce système de paiement instantané rapproche le vendeur de l’acheteur, autant il rapproche les escrocs de leurs victimes.

Comment opèrent les fraudeurs ?

Approché, le Centre Nationale d’Investigation Numérique (CNIN) explique : « Sachant que les arnaques par Mobile Money nécessitent que la victime entre son code pour valider une transaction, les escroqueries de ce type reposent essentiellement sur de l’ingénierie sociale, autrement dit un ensemble de techniques de manipulation utilisé par les cybercriminels pour convaincre leurs victimes. » Dans ce cas particulier, poursuit le CNIN, « Ils usent de baiting, encore appelé hameçonnage, pour convaincre une victime de donner accès à ses informations personnelles, ou se font passer pour des fournisseurs de services et des autorités pour convaincre leur victime d’effectuer une transaction. » Leurs méthodes ciblent des utilisateurs souvent peu informés sur les mesures de sécurité.

Dame Sidonie, la quarantaine d’âge,  est une vendeuse de bouillie à Adjagbo. En juin 2024, elle avait reçu un message d’un supposé dépôt de 15.000 francs CFA sur son compte Mobile money. Quelques minutes après, elle reçoit des appels successif d’une femme qui l’a suppliée de lui renvoyer les sous, soit disant qu’elle lui a envoyé de l’argent par erreur. Elle n’a pas hésité à renvoyer les 15.000 francs avant de remarquer que c’était un faux message.

Les actions pour contrer le fléau

Face à l’ampleur de la menace, les acteurs du secteur multiplient les initiatives pour freiner ces escroqueries. MTN Bénin, Moov Africa et Celtiis, principaux opérateurs de téléphonie mobile ont lancé des campagnes d’information pour éduquer les utilisateurs sur les bonnes pratiques. Des messages rappelant de ne jamais partager leur code secret et d’ignorer les appels suspects sont régulièrement diffusés.

De même, l’Agence des Systèmes d’Information et du Numérique (ASIN) et le CNIN mènent depuis 2022 de nombreuses campagnes institutionnelles. L’une des plus anciennes reste la campagne Paré Bénin.

Par ailleurs, en termes de mesures mises en place contre ces cas d’escroqueries, le CNIN cite son étroite collaboration au plan national avec les entreprises, mais également la coopération régionale avec des pays voisins et le partenariat avec Interpol qui permet de traquer les escrocs même lorsqu’ils sortent des frontières béninoises.

Pour le CNIN, il est important que les béninois fassent attention à ne pas communiquer leurs données personnelles à des cybercriminels lorsqu’ils prétendent être une autorité. Il faut également éviter de transférer de l’argent à quelqu’un sans être absolument sûr de son identité. Il invite les personnes déjà victimes d’escroquerie à le contacter au plaintes@cnin.bj.

Le système de paiement instantané via téléphone « Mobile Money », demeure un outil essentiel pour l’inclusion financière au Bénin. Cependant, sa réussite dépendra de la capacité des opérateurs, des autorités et des utilisateurs à collaborer pour garantir sa sécurité contre les escroqueries.

Megan Valère SOSSOU